Claire Tutenuit

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Claire Tutenuit

Délégué général d’Entreprises pour l’environnement - Secteur Association, fédération, syndicat

A l’occasion de la tenue au Bourget de la COP21, Claire Tutenuit, délégué général d’Entreprises pour l’environnement, revient pour nous sur l’influence toujours plus grande des questions environnementales sur la stratégie des grands groupes  français et internationaux.

NN : Quel est le rôle d’Entreprises pour l’environnement ?

CT : EPE est une association de grandes entreprises françaises et internationales qui partagent la vision de l’environnement comme source de progrès et d’opportunités. Nous sommes  un lieu d’échange et de partage des meilleures pratiques entre entreprises et avec les ONG, les ministères, les élus, les scientifiques, les milieux académiques. Un Think tank chargé d’animer la réflexion collective sur différents sujets touchant à l’écologie : le changement climatique, la biodiversité, la gestion des ressources…

 

NN : Quels sont vos interlocuteurs au sein de ces groupes ?

CT : Nous sommes généralement en contact avec les directeurs développement durable et les directeurs environnement, mais nous essayons d’impliquer au maximum les présidents, car le but est d’avoir la plus grande influence possible au niveau opérationnel. Ceci dit l’influence des directeurs développement durable est de plus en plus importante. Ils ont quitté ce rôle d’observateur, de simple force de proposition et sont aujourd’hui impliqués dans les opérations de l’entreprise de façon concrète. Que ce soit dans la fonction achat, la R&D ou sur les politiques d’investissement.  

 

NN : Au delà de la question morale, quel est l’intérêt d’une politique environnementale pour ces entreprises ?

CT : Il y a deux intérêts majeurs pour les entreprises. D’abord c’est économiquement rentable, la réduction de l’impact environnemental signifie des économies d’énergies pour l’entreprise. La réduction des pollutions entraine une réduction des risques et fait baisser les coûts de traitement. Une partie de notre travail de réflexion est d’analyser, sur la base des expériences qui sont réalisées, quel est le Business case pour les politiques environnementales. Au bout de combien de temps et par quels mécanismes cela devient rentable pour l’entreprise. Autre aspect positif pour les entreprises, les opportunités d’affaires. Au sein de l’EPE, nous faisons collaborer les entreprises de différents secteurs. Ce dialogue permet  d’avoir une vision globale sur un sujet donné. Si je prends l’exemple du véhicule électrique, le problème aujourd’hui est celui de l’autonomie. Dans le cadre d’un groupe de travail de l’EPE, Air liquide va dire : « on va utiliser les piles à combustibles et le stockage d’hydrogène pour résoudre ce problème » et les fabricants automobiles vont pouvoir se positionner en conséquence.

 

NN : A court terme, quelle place va prendre la question environnementale au sein de l’entreprise ?

CT : Cela ne va pas changer l’organisation de l’entreprise en soit, mais la façon dont chacune des fonctions fait son travail. Si vous prenez la R&D des entreprises, elle est aujourd’hui quasiment à 100% dédiée à cette transition énergétique ou écologique. La R&D des fabricants de ciment aujourd’hui, c’est comment je fais moins d’émissions ? Comment je peux changer de combustible ? Vinci travaille sur les écoquartiers, comment y intégrer de la biodiversité ? Comment adapter les bâtiments aux changements climatiques à venir ? Pour chacun des membres de l’EPE je peux vous donner un exemple de comment leur R&D est impactée par ces questions : la recherche de nouveaux matériaux, le  recyclage, l’efficacité énergétique…

 

NN : Qu’attendent les entreprises avec lesquelles vous travaillez de la COP 21 ?

CT : Un élan nouveau pour cette transformation et surtout une acceptabilité sociale des politiques carbones. La bonne nouvelle c’est que le dialogue avec les pouvoirs publics s’est développé par rapport aux COP précédentes. Là, il y a tout un ensemble de débats qui se sont organisés notamment par le biais du LPAA (Lima-Paris Action Agenda), un plan d’action pour lequel les Nations Unies ont demandé les idées des entreprises, leurs solutions et les conditions de déploiement de ces solutions. Nous sommes très impatients de voir ce qui va en être tiré. Ce qui va peut être changer à l’occasion de la COP21, c’est que les  grandes entreprises et les pouvoirs publics ne vont plus s’attendre l’un et l’autre. Trente-neuf grandes entreprises ont d’ailleurs publiées un texte destiné à montrer aux pouvoirs publics qu’elles sont déterminées à continuer sur un certains nombre de sujets sans les attendre. Mais  si l’on veut que la transformation soit plus massive, il y a un besoin d’engagements politiques. Qu’ils accompagnent les demandes sur le prix du carbone notamment, en donnant une visibilité sur la trajectoire des prix à long terme qui puisse orienter et guider les investissements.  

 

NN : Sur quels sujets environnementaux est-il le plus urgent de progresser ?

CT : Au niveau des priorités, il y a débat, chacun va trouver un degré d’urgence à développer  sa technologie ou à résoudre son problème. Pour moi l’urgence est surtout d’être en mouvement. En ce moment avec la COP, il y a besoin d’efforts conjugués, que tout le monde dise la même chose en même temps pour que ce soit audible et que cela produise des résultats. Les forces en faveur de l’environnement sont tellement faibles à coté des autres pour ne pas passer de temps à se disputer mais plutôt à conjuguer les efforts.

 

Propos recueillis par David Rozec, drozec@nomination.fr