Cabinet international en droit des affaires, Baker McKenzie est présent dans 45 pays. Depuis 5 ans, Amel Meddah y œuvre en qualité de directrice marketing, communication et business development pour les bureaux de Paris, Luxembourg et Casablanca. Venue de l’industrie, elle nous raconte l’acculturation du monde du droit au marketing.
Avant de rejoindre Baker McKenzie vous travailliez chez Capgemini Engineering (anciennement Altran), que recherchait un cabinet d’avocats dans votre profil ?
Justement le fait que je ne venais pas d’un cabinet d’avocats ! Mon profil, orienté marketing et clients, a séduit. À mon arrivée, l’enjeu était clair : structurer la gestion de la relation client. Le CRM existant se résumait à un fichier Excel complexe. En m’appuyant sur les orientations définies par la Firme, à l’origine de cette transition, j’ai entrepris de transformer cet outil en véritable levier d’intelligence client, en rendant les données accessibles, exploitables et pilotables.
« Le marketing devient un vecteur de différenciation »
Il a fallu convaincre en interne ?
Oui car la culture de gouvernance diffère fondamentalement. Chez Capgemini Engineering, les décisions stratégiques étaient impulsées par une direction centralisée. Dans un cabinet d’avocats comme Baker McKenzie, le pouvoir est réparti entre les associés, chacun étant à la fois décideur et entrepreneur. J’ai donc dû embarquer une vingtaine d’associés autour d’une feuille de route commune. L’enjeu n’était pas seulement technique, il était surtout culturel : instaurer une logique de partage de l’information client, souvent perçue comme sensible. Cela a nécessité de bâtir un climat de confiance et de démontrer que cette démarche pouvait renforcer leur propre développement, tout en créant de la valeur collective.
A propos, pourquoi les cabinets d’avocats se sont convertis au marketing et au commerce ?
Parce que la concurrence s’est intensifiée. Là où un client sollicitait trois cabinets hier, il en consulte aujourd’hui une douzaine. Le prix ou le classement ne suffisent plus. Le marketing devient alors un vecteur de différenciation : positionnement, branding, expérience client… Autant de leviers pour affirmer sa singularité dans un environnement saturé.
« Tout commence par une meilleure structuration de la relation client »
La singularité est un de vos principaux défis ?
L’un des axes clés, c’est le positionnement premium de Baker McKenzie comme partenaire stratégique, au-delà du simple conseil juridique. Cela suppose de tisser une relation de confiance, de comprendre les enjeux de nos clients et d’anticiper leurs besoins. Dans un contexte géopolitique et économique instable, notre valeur ajoutée repose aussi sur notre capacité à les accompagner de manière proactive et personnalisée.
Comment cela se traduit-il ?
Tout commence par une meilleure structuration de la relation client. Les avocats disposent naturellement d’une forte expertise métier et d’une grande proximité avec leurs clients, mais les codes du développement commercial ne font pas partie de leur formation initiale. Le rôle du marketing est donc de compléter cette approche, en apportant des outils, des méthodes et des repères. Cela passe notamment par une organisation fine des interactions : faire dialoguer les bons interlocuteurs à chaque niveau. Ce maillage permet de renforcer la relation client sur le long terme. Par ailleurs, le personal branding de nos avocats est aussi important que le développement de leur sphère d’influence au sein de leurs écosystèmes respectifs.
Quelle est la place de l’IA dans votre secteur ?
L’IA ne remplace pas les avocats, elle les complète. Côté marketing, elle permet déjà d’optimiser certaines tâches : collecte des données, création de présentations, rédaction de synthèses… Elle nous libère du temps, que nous pouvons réallouer à des missions à plus forte valeur ajoutée, comme l’analyse stratégique ou l’animation de la relation client.
Propos recueillis par Adrien Ares