Interview Michael Aguillar : « L’intelligence artificielle va progressivement balayer tous les vendeurs à faible valeur ajoutée »

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Interview Michael Aguillar : « L’intelligence artificielle va progressivement balayer tous les vendeurs à faible valeur ajoutée »

Conférencier

« L’intelligence artificielle va progressivement balayer tous les vendeurs à faible valeur ajoutée »

Michaël Aguilar est spécialiste des techniques de vente, de persuasion et de motivation. Il publie une quinzaine d’ouvrages dont Les accélérateurs de vente, L’art de motiver, Conclure la vente, Vendeur d’Elite. Fondateur d’un cabinet de conseil en efficacité commerciale puis conférencier, Michaël Aguilar intervient avec passion lors de congrès et conventions.

Dans vos conférences, vous affirmez que le métier de commercial vit une mutation liée à l’avènement du digital. Cela s’accompagne donc d’une évolution des outils ?

Le digital est un outil. Aujourd’hui, il existe tellement d’outils qu’un commercial peut passer sa vie à se former. Mais il faut savoir les utiliser à bon escient. Comme je le dis souvent : un couteau quand on le prend par le manche c’est formidable, mais quand on le prend par la lame on se blesse. Les outils, c’est pareil. A ce sujet, j’ai une anecdote. Je faisais une conférence au sein d’une entreprise durant laquelle le meilleur vendeur est monté sur scène. Et je vois débarquer un homme de 70 ans. A la fin de l’évènement, je m’entretiens avec le président qui m’assure qu’il surclasse ses collègues et qu’il s’ennuyait à la retraite. Quand je lui demande : « Comment fait-il ? ». Le président me répond : « C’est très simple : il va voir le client alors que ces collègues restent derrière leurs écrans d’ordinateur ». Aller à la rencontre de l’autre humain est un fondamental de la vente. Le business se fait en face à face.

« Si vous êtes un PDF parlant, vous n’aurez bientôt plus de justification économique »

Est-ce que l’empathie ou l’intelligence émotionnelle constituent les limites de l’IA ?

Selon ma formule préférée, on ne fait pas de repas de famille sur Skype. Ce qui soude une fratrie, c’est de se voir, de se sentir, de se regarder dans les yeux. Skype, WhatsApp, LinkedIn, c’est formidable ! Mais rien ne remplace pour l’instant le face-à-face. J’alerte toujours mes clients sur l’importance d’aller voir un client pour donner envie de bosser ensemble. Tandis que le vendeur qui me fait une offre intéressante et intelligente en ligne, je n’aurais aucun scrupule à le dégager dès que j’aurais trouvé une offre plus intéressante.

Cette constatation vaut quel que soit le degré d’IA ?

Pour l’instant, l’IA est faible un peu partout mais elle va faire des ravages sur tous les métiers à faible valeur ajoutée. De la même manière qu’internet a remplacé le vendeur de livres ou d’électroménagers. Pour les produits de commodité, la présence d’humain n’est plus nécessaire. Certains types de vendeurs vont progressivement reculer. Les statistiques le prouvent : 7 millions de vendeurs aux Etats-Unis en 2012, il en reste 5 millions. L’intelligence artificielle va progressivement balayer tous les vendeurs à faible valeur ajoutée. Si vous êtes un PDF parlant, vous n’aurez bientôt plus de justification économique.

Il y a donc une vraie lame de fond…

Saviez-vous que le cabinet Forrester prévoit la disparition des vendeurs B2B dans trois ans ? Je n’y crois pas mais indubitablement les vendeurs B2B vont reculer. C’est le sens de l’histoire. Qui achète aujourd’hui ses vacances dans une agence de voyages ? Je me rappelle d’une discussion dans une boutique de luxe. A l’époque, on me disait que les gens n’achèteraient jamais leurs produits en ligne car ils ont besoin de toucher un sac avant de le prendre. Et bien non ! Les vendeurs doivent se remettre en question.

« Le vendeur doit investir le terrain sur lequel l’ordinateur ne peut lutter d’un point de vue factuel et émotionnel »

L’émotion reste le seul moyen pour le vendeur de se sauver ?

Je vais reprendre la fameuse phrase de Jean Fourastié, l’homme qui a créé le concept des Trente Glorieuses, et qui disait en 1970 : « Le développement de la machine va obliger l’humain à se spécialiser dans l’humain ». Pour survivre, notre vendeur va devoir créer des émotions, de la confiance, faire rire, surprendre, étonner, communiquer de la reconnaissance. Bref, tout ce que ne sait pas faire un ordinateur. S’il se contente de communiquer de l’information, un vendeur ne rivalisera jamais avec de l’IA faible ou forte. Mais l’IA est limitée. Elle n’a pas de créativité, elle applique des processus, un protocole, un programme. Actuellement, si vous mettez une pizza au four que vous programmez pour qu’elle sorte moelleuse, votre four ne va pas vous la sortir croustillante. La capacité de surprendre est essentielle !

Au cours de vos recherches au sein d’entreprises, avez-vous déjà vu des applications opérationnelles concrètes de l’IA sur la fonction commerciale ?

L’IA en tant que telle non mais l’utilisation du big data bien entendu. C’est d’ailleurs ce que vous faites chez Nomination… Nous ne sommes encore qu’aux balbutiements de l’IA. Le préambule de tout ça, c’est le chatbot.

Comment pensez-vous que l’IA va se déployer au sein des forces commerciales B2B, à court et moyen terme ?

Vous pouvez acheter grâce à un chatbot des produits. Certes tout est processé mais vous avez le sentiment de discuter avec quelqu’un. 93% des acheteurs en B2B ne souhaitent pas rencontrer de vendeur en phase de recherche d’informations. Ils acceptent de voir le vendeur uniquement si ce dernier a quelque chose à leur dire qu’ils ne peuvent pas trouver sur internet ou par eux-mêmes. Le vendeur doit investir le terrain sur lequel l’ordinateur ne peut lutter d’un point de vu factuel et émotionnel. En créant de la confiance par exemple. Tenez, tout le monde n’est pas prêt à confier ses fonds à un site internet qui ne soit pas incarné par un être humain. Le vendeur n’est pas mort à condition d’inspirer la confiance, de rassurer, de donner des informations uniques, de créer du lien émotionnel.